28 Nov Un secret de polichinelle
Emile Masson
” UN SECRET DE POLICHINELLE ”
– en vers domestiques – et en vers sauvages
” Je suis l’ami de tous les Curés,
et de tous les Communards aussi ( mais je crois qu’aujourd’hui on dit mieux: Bolsheviks)
Ils me reçoivent tous en cachette.
C’est-à-dire que ce n’est pas moi qui me cache pour aller chez eux;
mais c’est eux qui n’aiment pas qu’on sache qu’ils me fréquentent.
Chacun d’eux me raconte sa petite affaire passionnément.
Les Curés me racontent le Bon Dieu, et les Anarchistes me mènent voir le Diable.
Je trouve quelquefois -à part moi –
que le Bon Dieu ressemble étonnamment au Diable… et que le Diable n’est pas si mauvais diable qu’on ne puisse pas une fois le temps le confondre avec le Bon Dieu.
Autre chose
J’aime ma Patrie plus qu’aucune autre, car c’est la Bretagne ma Patrie.
Mais j’aime tant les autres Pays aussi que j’oublie souvent de quel Pays je suis; et que, quand je songe à l’Allemagne, par exemple, ( en esprit, car dans la chair les voyages coûtent trop cher)
je me demande si je ne suis pas Allemand, et si ce n’est pas l’Allemagne que j’aime le plus de tous les Pays
Mais comme le soir ou le lendemain me voilà passé en Chine ou au Japon, je perds totalement la notion de l’Allemagne comme de la Bretagne, et me voilà prêt à jurer que la plus chère Patrie de mon cœur
est celle des Célestes, ou bien celle des Nippons
Bref, étant reçu chez tout le monde, je sais le secret de Polichinelle, et je m’en vais vous le dire :
Tous ces braves gens pensent exactement les mêmes choses à tous les points de vue.
Seulement ils ne veulent pas l’avouer, car ils estiment à tort ou à raison, que c’est bien agréable d’avoir une petite existence comme celle-ci pour faire toutes les petites cochonneries puisqu’il restera toujours assez de temps dans l’éternité
de vivre dans la vérité..
Hé bien ! les Curés font de moi un saint,-
et les autres… un anarchiste
Sur quoi je me demande avec anxiété si un saint peut être anarchiste, ou si un anarchiste est un saint ? Peut-être bien ! Peut-être bien ! En tout cas je suis l’un et l’autre
On me reproche de tout mêler,
de tout confondre et de ne jamais distinguer.
Mais, chers amis ? camarades,
Tout, en vérité, n’est-il pas même salade ?
Tout n’est pas poussière ?
Attendez une petite minute
Et vous vous en rendrez compte par vous-mêmes.
karagar
Posted at 13:36h, 02 décembredonemat e-barzh bedig ar vlogerien!
Christian
Posted at 01:28h, 17 févrierExcellent… On dirait presque du Armand Robin…
Réponse: J’ai un peu le sentiment en cette période que ce poème tombe à point – pas vous ! entre un Emile Masson visionnaire et un écorché vif comme Robin.